« Depuis que le monde est monde, les femmes enfantent l’humanité », répète inlassablement à la manière d’un mantra, Karine la sage-femme.
Karine Langlois est Québécoise et accompagne les femmes depuis une vingtaine d’années dans le processus d’enfantement.
Son expérience l’a conduite à revisiter le rôle de l’accompagnement de sage-femme en redonnant la place principale à la mère et à la famille qui l’entoure. Elle revendique le besoin de redonner du sens au processus d’enfantement et s’est donc progressivement dirigée vers les accouchements à domicile afin de respecter le besoin d’intimité qu’exige ce processus naturel.
« Il ne s’agit pas de renier l’obstétrique mais de s’en servir avec la sagesse du discernement. J’ose croire à un paradigme des naissances où la sagesse millénaire de la physiologie naturelle de la vie est respectée et honorée telle une prémisse des meilleures issues possibles. », rappelle Karine.
Rassurer la femme dans sa capacité innée à donner la vie est finalement la ligne de conduite dans ce rôle d’accompagnement afin de permettre une bonne mise en route des mécanismes physiologiques de l’enfantement.
Rester au plus près de la physiologie lors de l’accouchement est une idée qui séduit de plus en plus de familles et qui est sans doute lié au fait que certains professionnels militent depuis des dizaines d’années pour redonner à la femme son pouvoir d’autorité dans le processus de naissance.
Michel Odent, médecin obstétricien et auteur d’une quinzaine d’ouvrages depuis plus de 50 ans est d’ailleurs un acteur incontournable de ce changement de paradigme.
En effet, ce dernier a d’abord été un pionnier dans l’utilisation des piscines d’accouchement lorsqu’il dirigeait la clinique de Pithiviers puis il a développé le concept des maisons de naissance pour laisser à la femme le maximum d’autonomie et de liberté pendant le travail. Il a aussi travaillé sur la pratique de l’introduction de l’allaitement dans l’heure qui suit la naissance et a mis en évidence le réflexe de fouissement du nouveau-né.
En 1985, il s’installe à Londres et accompagne des naissances à domicile puis il fonde le Primal Health Research Center, dont le but est d’étudier les conséquences des évènements qui se déroulent pendant la période primale (de la conception au premier anniversaire) sur la santé et le comportement de l’enfant et de l’adulte en devenir.
Il est le premier médecin français à tirer la sonnette d’alarme face aux répercussions de l’utilisation de l’ocytocine de synthèse, très largement utilisée dans le milieu obstétrical et recommandée par l’OMS de manière systématique avant la délivrance du placenta.
Selon lui, « la priorité, à l’échelle de la planète est de faire en sorte que le plus grand nombre de femme mettent au monde leurs bébés grâce à la libération d’hormones naturelles, c’est-à-dire grâce à un véritable cocktail d’hormones de l’amour ». C’est donc là un enjeu crucial !
En effet, l’ocytocine, appelée également hormone de l’amour est une pièce maitresse dans le processus de la naissance. Elle augmente dès la 36ème semaine de grossesse afin de préparer la femme à l’accouchement et elle est directement liée à l’apparition des contractions.
Karine Langlois décrit ainsi l’utérus comme un vaisseau sur lequel les récepteurs ocytociques sont amenés à bourgeonner. Au plus la femme approche du terme, au plus ses récepteurs doivent être saturés afin de favoriser le bon déroulement de la naissance.
Évidemment, cette hormone est antagoniste aux hormones de stress, qui elles, protègent la mère en cas de danger en ralentissant la mise en route du travail afin qu’elle se mette en sécurité avant de pouvoir enfanter.
Ainsi, une naissance pourra être conduite de manière physiologique seulement lorsque la femme se sent protégée et sécurisée. Cette condition est nécessaire pour favoriser l’inhibition néocorticale en rendant alors possible l’accès aux compétences primitives et maximise les chances de la mère d’enfanter sous sa propre autorité hormonale.
Dans ce changement de paradigme, il faut visualiser ce moment comme un acte naturel, intime à l’image des rapports sexuels ou de l’acte de défécation.
Le langage, la pression temporelle, la luminosité, la sensation d’être observée n’ont pas leur place dans les réactions sous corticales et toute tentative de guidance ou de contrôle engendre automatiquement des risques de sortie de la physiologie et des complications pour la mère ou l’enfant.
A l’inverse, la chaleur, la sécurité émotionnelle, la pénombre ou la liberté de mouvements sont des facteurs protecteurs du processus.
Ainsi, protéger la sécrétion de l’ocytocine de la mère durant la grossesse et l’accouchement est le moyen le plus fiable de préserver le bien-être de la mère, le bien naitre de l’enfant et de favoriser le lien d’attachement qui unit ces deux acteurs de la naissance.
Car, au-delà de l’aspect facilitateur de la naissance, l’ocytocine joue aussi un rôle primordial dans la capacité de la mère à s’attacher à son l’enfant. La décharge hormonale qui a lieu lorsque le nouveau-né est posé sur le corps de la mère contribue à l’émergence du réflexe d’attachement (« bonding reflex ») qui a un rôle crucial sur la future sensation de sécurité physique et émotionnelle de l’enfant.
Si la théorie de l’attachement est l’une des plus citées dans la presse scientifique, c’est qu’elle a une importance de taille dans le développement de l’enfant.
Nous avons tous fait l’expérience pendant 9 mois d’avoir étés lié fortement à quelqu’un, et d’avoir grandi un peu plus chaque jour.
De ces expériences naissent le besoin d’appartenance, le besoin de grandir et de pouvoir montrer ce dont on est capable. Alors, prenons soin d’inonder nos récepteurs ocytociques un peu plus chaque jour, et donnons aux mamans en devenir, la confiance en leur puissance de femme !